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lundi 29 juillet 2013

Balades, lectures, et ciné du côté de Cabourg...

Citation de Proust sur la digue de Cabourg...
...même la plage est littéraire !

  Chers lecteurs, ça fait une (grosse) semaine que je n’ai rien posté ici, et même si c’est les vacances et que nombre d’entre vous doivent se retrouver sans wifi comme moi, d’une part tout le monde n’est pas en vacances, et d’autre part ça ne fait pas de mal de donner des nouvelles !

  Ci-dessus, une photo extraite d’une de mes balades sur la célèbre digue de Cabourg, ville rendue légendaire à travers le « Combray » de Proust… je ne sais pas si vous avez déjà eu l’occasion de vous y promener ; Cabourg est un des lieux emblématiques de mon enfance et je retourne dans le coin tous les étés (je n'y serai malheureusement plus pour le salon du livre en août...). C’est toujours agréable de flâner le long de la digue et de lire les citations de Proust (qui a longuement séjourné au Grand Hôtel) sur les présentoirs comme celui-ci. Pour zoomer et découvrir ces belles lignes, cliquez sur l’image !

Mes deux tomes des Misérables


  Pas encore de chronique à l’horizon pour le moment : je suis toujours en plein dans ma lecture des Misérables. Comme vous pouvez le voir, j’en suis page 631 sur 827 du premier tome, donc j’en arriverai bientôt à bout. Ensuite il me restera le second tome, qui est d’une longueur à peu près égale au premier… j’apprécie beaucoup ma lecture, je regrette de n’avoir pas lu ce roman quand j’étais plus jeune car maintenant mes goûts ont évolué (ils évolueront peut-être dans une autre direction à l'avenir) et je préfère de plus en plus le style du dénuement, voire du trivial et du vulgaire, à l’emphase lyrique qui me plaisait quand j’avais quinze ans. Ce qui ne m’empêche pas de beaucoup aimer Victor Hugo, mais du coup, je préfère cette emphase dans ses pièces de théâtre (j’adore Hernani et Ruy Blas, j’ai hâte d’en découvrir d’autres), où je trouve qu’elle passe bien mieux. Disons qu’il y a des passages que je trouve magnifiques, et d’autres où les convictions religieuses, philosophiques, et politiques de l’auteur viennent beaucoup trop envahir le récit : le message passe pour le lecteur sans que l’auteur ait besoin de constamment expliciter son opinion, par conséquent ces insistances finissent par donner un côté moraliste à l’œuvre, caractéristique qui est extrêmement moins présente dans le roman balzacien, que je trouve plus prenant, en fin de compte (je n’aurais jamais pensé dire ça il y a encore deux ans !). Je reste une grande admiratrice de Hugo en tant qu'homme, c'était un sacré personnage et il a une plume superbe (c'est bien ce qui nous garde à lire le récit de la bataille de Waterloo pendant 80 pages alors qu'on a qu'une envie : savoir ce qui va arriver à Jean Valjean et à Cosette !).


  Par ailleurs je suis allée  voir Pacific Rim avec mon frère ces jours-ci (un soir de tempête où il y avait une panne d’électricité dans la ville où je séjourne, donc on s’est réfugié à Cabourg). C’était plutôt cool : clairement pas le film de l’été, pas d’intrigue profonde ni de concepts mais des effets spéciaux bluffants (moi qui ne porte pas la 3D dans mon coeur, je l’ai appréciée pour ce film), et si vous aimez les films d’action et que vous avez envie de regarder un truc sans prétention, c’est sympa comme tout. Très cliché et codé hein évidemment, faut pas s’attendre à des merveilles ! Mais le premier rôle féminin m’a bien plu, et puis pour une fois ce n’était pas une nana à la Megan Fox ou à la Angelina Jolie mais une Japonaise kick-ass au combat, donc je pense que ça a le mérite de le distinguer parmi les éternels blockbusters.

Voilà pour les nouvelles, à très bientôt ! *w*
(ceci est un smiley qui essaie de ressembler à un chat, pour ceux qui se demandent xD)

samedi 20 juillet 2013

Normandie sous le signe du soleil, de Blake, et des séries...



  Le soleil brille en Normandie (eh oui, tout arrive), et la chaleur est tempérée par une fraîche brise locale (voilà qui est déjà plus normand !) qui me berce au moment où j’écris cet article. L’horizon est bleu, les vaches mâchent de l’herbe, l’eau est à 18 degrés, bref tout va bien.

  Après cette mise en perspective (il faut bien que vous m’imaginiez, à la terrasse d’un café en train de siroter une limonade afin d’attraper un peu de Wifi déficient), passons à mes lectures du moment.

  Je viens de terminer la biographie de William Blake par Gilbert Keith Chesterton, publiée pour la première fois en 1920.

  Comme je vais travailler sur Blake l’an prochain et que la biographie de référence (celle de Harold Bloom) est beaucoup plus volumineuse et beaucoup plus coûteuse, je me suis dit que cette petite biographie (200 pages dans mon édition, mais avec un tout petit espace de texte, et une gravure toutes les trois pages, donc plutôt l’équivalent de 90 pages dans une édition standard) pourrait être un bon point de départ pendant les vacances.
  C’était dans l’ensemble un ouvrage plaisant, très witty avec son humour à l’anglaise toujours présent, une mise en situation théâtrale afin de se représenter au mieux ce sacré numéro de William Blake, et qui a le mérite de s’attaquer courageusement à la doctrine quasi incompréhensible de l’auteur, en essayant de faire épouser au lecteur cette doctrine – au moyen d’analyses poussées aussi bien que de petites phrases accrocheuses et parfois même insolentes pour résumer certaines idées. En un mot, si vous voulez en apprendre pas mal sur Blake avec une lecture rapide, c’est sans doute l’ouvrage qu’il vous faut, d’autant plus que Blake fait partie de ces auteurs qu’il est impossible de pénétrer sans les étudier – à moins de raisonner selon le même système abracadabrant que lui, ce que personne n’a réussi à faire depuis qu’il est mort il y a deux cent ans maintenant.

  En revanche, j’ai été quelque peu dérangée par la teinte d’époque très voyante de cette biographie ; trop de préjugés sociaux, raciaux, culturels ici et là. Bref, un ethnocentrisme trop marqué, avec de temps en temps des fantaisies qui font sourire (comparaison de l’Irlandais typique avec l’Anglais typique), et d’autres qui font beaucoup moins sourire. On sent aussi Chesterton très réticent (à la limite de la pédanterie mal placée, plutôt) par rapport aux peintres Impressionnistes de son temps, ce qui n’est pas pour le rendre sympathique, qu’on apprécie les Impressionnistes ou non. Heureusement, ça ne constitue pas l’essentiel de l’ouvrage.
  En résumé : une bonne fondation qui se lit facilement si vous désirez vous renseigner sur Blake avant de vous y plonger, mais attention à garder une distance critique et à ne pas se laisser endoctriner par le biographe qui s’amuse un peu trop à faire son one man show du posh, stiff-upper-lipped British man.

Edition VO Cosimo Classics disponible à 18€. Il existe une traduction française qui vient d’être rééditée, qui paraît-il est très bonne, et qui est à 11€.

  Par ailleurs, qui dit vacances dit souvent passer du temps à regarder des séries. Je ne me décrirais pas comme une accro aux séries ; au contraire je ne suis que celles que je considère excellentes. Regarder une série que j’aime bien mais sans plus équivaut pour moi à une perte de temps. Mais j’ai tout de même fait quelques découvertes heureuses, et il y a pas mal de séries que j’ai envie de découvrir, car depuis quelques années le marché des séries a explosé autant en quantité qu’en qualité, et les séries sont bien plus estimées qu’avant.

  Un mot d’abord sur Ripper Street, qu’Alexandra de la Bouteille à la Mer m’a fait découvrir grâce à un billet fort intéressant. Il n’y a encore qu’une saison, faite de huit épisodes d’une heure chacun – une fois de plus, la BBC produit des sortes de mini-films de qualité. Cette série nous montre les enquêtes d’un commissariat de police dans les années 1890 d’un Londres sombre et insalubre, avec à son centre, l’inspecteur Reid, dont la fille a disparu et qui est obsédé par un tueur en série nommé « the Ripper ». L’esthétique est très sympa, l’histoire entraînante, et les acteurs vraiment bons (les fans de Game of Thrones retrouveront quelques uns de leurs chouchous, notamment avec un certain Bennet adorable comme tout). Mon favori personnel ici cependant, c’est l’Américain fugitif, proxénète, et expert en cadavres (il n’a pas l’air très fréquentable comme ça mais c’est à mon sens le personnage le plus riche de la série, et de loin). 
  J’ai eu un peu de mal à m’immerger dans la série aux premiers épisodes ; je trouve que ça partait trop dans tous les sens sans véritable énergie unificatrice et que parfois les raccords étaient mal organisés, ce qui complique la compréhension de certaines choses (alors que l’intrigue est à peu près 30 fois moins compliquée que celle de Sherlock et que Sherlock est passé crème pour mes neurones dès le premier visionnage), de plus les personnages féminins laissent franchement à désirer… mais les trois derniers épisodes de la saison étaient excellents (par rapport aux autres qui étaient juste bons), ce qui a énormément fait monter cette série dans mon estime : après tout, les débuts laborieux, de nombreuses séries en ont connus !

  Et un autre mot sur Dexter (je sais, j’ai huit ans de retard, mais je le vis bien).

  Très, très bonne découverte. C’est une série que je savais que j’allais regarder depuis longtemps, mais je n’ai jamais trouvé le temps de la regarder avant maintenant. Il faut dire que l’acteur principal est également un des protagonistes de Six Feet Under, ma série préférée entre toutes, donc forcément, ça me mettait la puce à l’oreille. Eh bien, je n’ai pas été déçue ! C’est dynamique, c’est drôle, c’est totalement barré, c’est osé, et c’est… très addictif ! Je viens de finir la première saison, j’ai de quoi regarder la deuxième, mais les semaines de vacances sans wifi (et donc sans accès aux saisons 3 et suivantes) vont être une dure mise à l’épreuve.
  Regardez le générique d’opening et vous serez conquis (âmes chochottes s’abstenir !).

  C’est tout pour le moment, chers lecteurs ! Sachez aussi que je lis Les Misérables en ce moment (on a tous un classique incontournable qu’on n’a honteusement jamais lu, c’était jusqu’ici le cas pour moi avec Les Misérables, dont j’avais lu 100 pages en deux jours avant… d’entrer en prépa). J’ai donc repris ma lecture au tout début, et j’en suis à présent page 149 dans une vieille édition avec deux tomes de quelques 800 pages chacun). Cette lecture me tenait à cœur depuis un moment, donc je profite des vacances loin des tentations du wifi meurtrières pour les gros classiques pour me mettre à fond dedans.

Bons baisers normands de la Côte Fleurie !
Alacris

dimanche 14 juillet 2013

Un dernier fourre-tout avant de partir en vacances...

L'île du Destin
  Bonjour à toutes et à tous !

  Un article un peu bordélique encore une fois, avec des films, des livres, et des mangas (non, cette fois-ci pas d'opéra ni d'expo, ceci est un article fourre-tout de niveau 1, ça reste à peu près cohérent !).
  Je pars en Normandie chez mes grand-parents demain, pour deux semaines... sans wifi ! (oui, les maisons de vacances sans wifi existent encore, et non, je n'ai pas de machine à remonter le temps, je vis bien en 2013 comme vous). Donc je me suis dit qu'un petit récapitulatif de mes lectures et visionnages ne pourrait pas faire de mal à ce blog.

  J'aimerais d'abord dire un mot de L'île du Destin, le tome 3 de La Quête d'Ewilan, la première trilogie sur Ewilan de Pierre Bottero. Je ne vais pas faire une chronique complète mais si vous désirez voir mes chroniques des tomes 1 et 2, elles sont juste un peu plus loin dans les articles plus anciens.

  C'est encore une fois une lecture que j'ai beaucoup appréciée ; retrouver les personnages habituels tels que Edwin, Ellana, Bjorn, Salim, Maître Duom, Akiro cette fois-ci, etc., m'a fait très plaisir, et je suis contente d'avoir espacé mes lectures des tomes afin que les retrouvailles avec les personnages soient d'autant plus heureuses. L'auteur est fidèle à lui-même dans ce tome avec un humour toujours présent, des rebondissements, et un monde fictif qui s'enrichit de plus en plus, pour finalement nous laisser entrevoir à la fin du tome la conquête future de tout un univers encore inconnu, dans les trilogies suivantes... ce qui donne bien sûr envie de se mettre de suite à la lecture des Mondes d'Ewilan ! Mais je vais patienter un peu, j'aime savourer chaque tome indépendamment des autres.
  Par ailleurs, les fans des histoires de la Table Ronde (non, je ne pense pas du tout à toi Jamestine) seront heureux d'apprendre qu'il y a dans ce tome un personnage qui pourrait bien être lié à un certain Merlin... à voir !

   On continue avec quelques films que j'ai vus ces derniers temps : 


  - L'Empire du Soleil (1987) de Spielberg, avec John Malkovitch et... Christian Bale quand il avait 13 ans. C'est un très, très beau film, dont l'histoire commence en Chine n 1941 juste avant que les Japonais n'envahissent le territoire. James ou "Jamie" est un petit garçon privilégié dont la vie bascule lorsqu'il se voit séparé de ses parents au milieu du désordre ambiant... commence alors pour lui une vie de subsistance, de rue en rue puis dans les camps. Les plans sont magnifiques, la relation entre James et le personnage interprété par John Malkovitch est émouvante, et la métamorphose de Christian Bale entre le début et la fin du film est saisissante.

  - L'Enfance d'Ivan (1962) d'Andreï Tarkovski. Encore un film sur un jeune garçon que la guerre force à se transformer en véritable guerrier. Il s'agit là d'un film engagé par rapport au conflits des Russes contre les Allemands durant la Seconde Guerre Mondiale, et durant tout le film le spectateur est résolument du côté des Russes, donc les personnages sont moins ambigus que dans L'Empire du Soleil, et la portée en est sans doute moins universelle. Mais c'est un beau film ( très pesant cela dit, il faut être capable de l'encaisser, d'autant plus qu'il est long). Il y a des scènes très expérimentales à l'ambiance surréaliste que j'ai trouvées intéressantes, d'autres les trouveront incompréhensibles et sans intérêt, ça dépend vraiment de ce qui vous botte en matière de cinéma !





  - Ed Wood (1994) de Tim Burton. L'un des premiers films avec Johnny Depp de Tim Burton, qui est un réalisateur auquel je m'intéresse (je n'irai pas jusqu'à dire que c'est un de mes réalisateurs préférés car si j'adore Big Fish et L'étrange Noël de Mr Jack, et que j'ai un petit faible pour Les Noces Funèbres et Sleepy Hollow, dans l'ensemble j'aime moins les autres - eh non, je ne suis pas une grosse fan d'Edward aux mains d'argent ni de ses Batman-, Sweeney Todd m'a fait peur la première fois que je l'ai vu et je n'ai pas osé le revoir XD, et récemment Dark Shadows m'a laissée un peu sceptique). J'ai été assez déçue par ce film ; je l'ai trouvé trop long et il m'a l'ennuyée, et puis je n'ai pas accroché. C'était sympa quand même de voir le style de Tim Burton dans les années 90 (mon dernier visionnage de Mars Attacks remonte à mes dix ans, je crains que mon souvenir s'en soit effrité), et le scénario du film (un réalisateur raté qui s'acharne à faire des mauvais films d'horreur et à en faire les joyaux d'Hollywood) était plutôt drôle.

  - Le Miroir (1975) de Tarkovski à nouveau. Excellent film, très très très très beau, des plans sublimes de la campagne et des personnages (un plan MAGNIFIQUE ou là protagoniste trempe ses cheveux dans une bassine et se relève, telle un zombie, titubant dans une salle qui tombe en ruines). Je ne sais même pas par où commencer pour vous le décrire donc je vais me contenter de dire que c'est un des plus beaux films que j'aie jamais vus, entrecoupés de poèmes lus par l'auteur. Au centre de l'intrigue, une mère, son fils, et le père qui est parti car sa femme était trop "émancipée", trop indépendante ; les générations se mêlent, la protagoniste et la mère du mari semblent une seule et même personne par moments, le fils rêve d'autres membres de la famille qui prennent vie dans son imagination... je crois que voir le film dix fois ne ferait qu'ajouter des possibilités au scénario au lieu de me faire comprendre "mieux" ce qui se passe et j'ai peur de dire une bêtise, alors je m'arrête ici.



  Je tiens maintenant à fêter ici mon premier swap, avec Luthien, qui a été très gentille de m'envoyer "Fukushima, Récit d'un désastre" de Michaël Ferrier dont elle avait fait une très belle chronique sur son blog. Avec un joli marque-page en plus, c'est adorable n_n. Merci encore !

  En réponse, je lui ai envoyé le tome 3 du manga Chihayafuru dont j'ai découvert l'animé grâce à elle (là aussi, jolie chronique sur son blog !). Malheureusement elle l'avait déjà commandé >.< mais je saurai me montrer plus rusée à l'avenir. En tout cas Chihayafuru est un manga fort sympathique (et fort addictif) qui raconte les péripéties d'un club de karuta (un jeu à deux où 100 cartes sont disposées sur le terrain ; il faut les prendre le plus rapidement possible pendant qu'un lecteur chante chacun des poèmes inscrits sur les cartes), avec une petite histoire d'amour à la clé même si elle reste dans l'arrière-plan et ça n'est pas plus mal comme ça (personnellement je suis Team Taichi même si c'est un sale gosse quand il est gamin, vous me direz si vous êtes plutôt Team Arata ^_^). L'équipe du lycée Mizusawa va de tournoi en tournoi, chacun des joueurs a un style de karuta différent... bref, ce manga respire la fraîcheur, et pour l'instant il y a deux saisons de 25 épisodes, et 3 tomes sortis en France.



  C'est tout pour aujourd'hui ! Je file préparer ma valise, en espérant que je réussirai à trouver du wifi à l'office du tourisme quand je serai chez mes grand-parents, histoire de quand même poster un ou deux articles par semaine et de me tenir à peu près à jour sur les autres blogs (avec beaucoup, BEAUCOUP d'espoir). Bisous à tous, bonnes vacances à ceux qui ont la chance de partir (un joyeux non-anniversaire aux autres), et à très bientôt !

lundi 8 juillet 2013

La vie en noir et rose : expo Marie Laurencin au Musée Marmottan Monet

"Mon autoportrait" 1924, et
accessoirement affiche de l'expo
  Récemment je suis allée visiter l'expo sur Marie Laurencin au Musée Marmottan Monet avec Grazyel (décidément, on écume les expos  parisiennes ensemble).

  Cette expo a été un gros coup de coeur pour moi.

  Marie Laurencin était une figure que je connaissais depuis le lycée (comment parler d'Apollinaire sans évoquer Le Pont Mirabeau et parler de sa liaison orageuse avec la muse qui l'inspira ?), et qui m'avait toujours intriguée. Je n'ai pas été déçue par cette expo, qui m'a fait pénétrer dans le monde envoûtant d'une des rares femmes artistes du début de siècle, aux confluents de tous les courants artistiques qui se sont succédés, sans jamais correspondre tout à fait à l'un d'entre eux.


Autoportrait, 1905
Autoportrait, 1908

  Marie Laurencin a vécu de 1883 à 1956. Ses oeuvres commencent à circuler dans les cercles artistiques parisiens autour de 1905 - en 1907, c'est la rencontre avec Apollinaire, qui lui fera connaître Picasso, Matisse, Gertrude Stein...

  Ce qui est amusant, c'est d'observer l'évolution très rapide de son coup de pinceau dans ces années-là ; le changement d'esthétique entre son autoportrait de 1905 et celui de 1908 ci-dessus est particulièrement saisissant ! On sent l'influence des cubistes qui est passée par là, cependant Marie Laurencin reste toujours à l'écart de ces tendances, peaufinant son propre style... très vite, elle va s'orienter vers des figures plus éthérées, à la peau diaphane, aux yeux noirs sans contours, et aux corps de papier ou d'eau.

L'éventail, 1911
Femme à la corbeille de fruits, 1908-10

La Songeuse, 1911
   Figures sibyllines aux yeux sombres, tristes, et séducteurs, inspirés de sa propre apparence, peuplent ses tableaux. Un air félin et doucement dangereux se dégage de l'ensemble... la femme, créature pleine de charmes, ensorcelle notamment par sa silhouette longiligne, ses mains aux doigts fins et interminables, ses traits fins. La profondeur du champ diminue, le monde en trois dimensions que la peintre a appris à dessiner pendant ses études à l'académie Humbert disparaît au profit d'un monde "en 2D". Ses modèles, peu à peu, se détachent de l'humain pour devenir des figures de peinture ou de papier : voyez comme la tresse de la jeune femme de L'éventail ressemble à un morceau de papier qu'on aurait enroulé sur lui-même...
  Picasso fait l'acquisition de La Songeuse pour sa collection personnelle, reconnaissant la spécificité irréductible de l'art de Marie Laurencin. Dans ce tableau, on trouve déjà les composants de l'oeuvre plus mature de l'artiste : un regard songeur et impénétrable, dirigé vers le vide, une position oisive et nonchalante, l'ennui qui dévore les jeunes femmes de l'époque, la perte du corps dans le flou des jambes... et toujours l'éventail, symbole ultime de féminité.

Le bal élégant ou La danse à la campagne, 1913
  Il apparaît très tôt que le monde créé par Marie Laurencin est un monde de femmes, ou du moins de figures androgynes. Voyez comme les jambes, les bras des deux danseurs sont identiques ; de plus, ses figures strictement féminines (si tant est que le strictement féminin et le strictement masculin existent chez elle) ont peu, voire pas du tout de poitrine. Rien ne sépare donc clairement le féminin du masculin, et l'androgyne se pose comme la figure esthétique la plus parfaite, réunissant en lui seul la beauté des deux sexes.

Les jeunes filles, 1909
  Ces femmes ou figures androgynes, pour peupler la solitude d'un monde sans activité (les femmes du monde bourgeois ne travaillaient pas), s'entourent de biches, de lévriers, de petits chiens et chats domestiques qui, sur le modèle de leurs maîtresses, présentent des membres longilignes et étirés à l'infini.

  En parallèle, l'hédonisme (philosophie de l'oisiveté et des plaisirs) s'intensifie, et l'utopie de l'amour lesbien prend une place de plus en plus prédominante...



Les deux Espagnoles, 1915
Majas au balcon, de Goya

  Avant le début de la guerre, Marie Laurencin épouse un baron allemand (probablement bisexuel comme elle, et qui la laisse fréquenter les femmes qu'elle désire), et ils doivent donc s'exiler en Espagne pendant cinq ans. A Madrid, Marie Laurencin découvre Goya et s'inspire de son tableau "Majas au balcon" pour "Les deux Espagnoles", où reviennent des éléments constituants de son oeuvre : l'éventail de la féminité, la main désarticulée... mais se précisent également à présent de nouveaux traits : la peau pâle, le corps de poupée, les profonds yeux noirs, les décorations dans les cheveux...

La liseuse
Les trois Grâces, 1921



















  Une nouvelle esthétique est enclenchée, un nouveau mode de beauté féminine.

  Ses tableaux se font l'apologie d'une beauté fugitive - les traits limpides de ses figures, comme constituées d'eau -, et en même temps statique : ses toiles sont autant de maisons de poupée en 2D qui abritent des êtres de porcelaine ou de tissu.

  Les Trois Grâces, habituellement représentées dansantes ou tout du moins gaies et animées, prennent dans son monde une allure figée, triste, comme dans l'attente...

La barque, 1920

  La femme qui figure dans ses tableaux est contemplative, méditative, seule et solitaire. Les seuls êtres qui puissent lui tenir compagnie sont des animaux à l'air figé ou d'autres jeunes femmes mélancoliques à son image. Dès que l'homme s'invite dans les tableaux, il est soit transformé en figure androgyne, soit ignoré par les femmes autour de lui... d'où la solitude infinie qui sépare les deux êtres dans La barque. D'ailleurs, Marie Laurencin et Otto von Wätjen divorcent en 1921 alors qu'elle rentre à Paris.

  C'est le commencement des fameuses "années folles", pendant lesquelles la femme s'émancipe, cesse de porter un corset... et avec ce vent de liberté sexuelle qui souffle sur la capitale, des cercles lesbiens se forment, et Marie Laurencin les côtoie.

La Danse, 1919

  La Danse, avec La liseuse et La barque, est l'un de mes tableaux préférés. On se croirait dans les coulisses d'un théâtre mal-famé ou d'une maison de joie. Il y a toujours une femme en train de jouer de la guitare, un petit chien, du rose, du noir, des yeux sans pupilles, presque démoniaques et pourtant si doux...

  A gauche, une figure à demi-cachée par un rideau regarde jalousement les deux femmes qui se séduisent sur la droite au son de la guitare. Leurs mains se frôlent plus qu'elles ne se caressent, et reste figées juste avant de s'atteindre ; le tableau entier est figé dans une caresse qui ne cesse de venir sans jamais que le contact ne se fasse réellement ; on est dans la douceur de l'intention, dans l'attente, mais pas encore dans la trivialité du banal toucher. Autrement dit, on est à mi-chemin entre la présence et l'absence, la distante et la proximité.

  Mais de ce fait, les figures demeurent dans une solitude profonde : les deux amantes, bien qu'attirées l'une vers l'autre, ne se regardent pas.


La femme-cheval



  Avec cette nouvelle prise de position esthétique, Marie Laurencin réalise son autoportrait le plus novateur, La femme-cheval. dedans, elle se représente en tant que démiurge, le regard grave, noir, et profond, le pinceau guidé par un oiseau. Ses figures de femmes languides et solitaires déteignent sur elle : elle aussi s'est peu à peu transformée en poupée vivant dans un monde noir et rose, entourée d'un chien, aux doigts longs et fins...

  En plongeant son regard dans le nôtre, elle se désigne du doigt : la femme-cheval, c'est elle.





Le baiser, 1927


  "On jugea trop souvent fades ses visages de jeunes filles ou de femmes rêveuses, mais je les ai toujours trouvées d'une douceur qui contrastait avec la violence de l'époque, que reflète la peinture heurtée des années 30"



Deux femmes à la guitare, 1924
  "On a aussi dit de sa peinture qu'elle était décorative. Je la crois infiniment délicieuse, caressante, humaine, avec ses demoiselles aux yeux noyés de mélancolie, quand les siens étaient voilés par la myopie. Elle symbolise pour moi le rêve, le songe, la vision éthérée d'un univers englouti. Comme l'a écrit Apollinaire en 1913, elle exprime 'toute la grâce et le charme du monde'. Sans doute un monde qui, comme dans les contes, n'a jamais existé"

Anne Sinclair (avant-propos dans le livre de l'exposition)

Femme à la rose, 1930

  La femme, toujours, est sa muse, et avec le temps devient plus en chair. La maturité des amours succède à l'attrait pour les jeunes filles. Pendant la guerre, Marie Laurencin et son amante Madame André Groult s'envoyaient des vers tels que :

"Oiseaux
Tes yeux sont deux oiseaux bleus
Tes seins sont deux oiseaus blancs
Ta lèvre est un oiseau de feu
Ton cou un oiseau palpitant"




Les acrobates ou Femmes de cirque, 1927



  L'androgyne persiste cependant : voyez comme le titre de ce tableau, "Femmes de cirque", ne laisse aucun doute quant à l'identité de la figure de droite, pourtant masculine de visage...









Trois jeunes femmes, 1953

Pour finir, j'aimerais terminer cet article sur quelques phrases tirées de la superbe étude de Daniel Marchesseau dans le livre de l'exposition :

  "A la fin de sa vie, l'artiste décline à l'huile ou mieux, à l'aquarelle, les pages angéliques et intemporelles de romances irréelles entre fillettes, musiciennes, bergères, nymphes ou demoiselles de béguinage. Comme un journal intime, elle murmure ses rêveries éveillées en demi-tons de rose, garance, azur ou safran"

La Prisonnière, 1917
  On peut trouver dans "son ultime répertoire de portraits une qualité de proximité, souvent nuancée de mélancolie - que la brouille du pinceau accentue. Ce monde clos participe d'une inclination à la solitude, où elle se complaît"

  "Au soir de sa vie, en 1956, Marie Laurencin, loin d'un monde pictural qui depuis longtemps n'est plus le sien, laisse un corpus volumineux. L'amie si précieuse des poètes s'éteint parmi 'ses jeunes filles au visage triangulaire de plâtre ou de clair de lune, tenant des éventails pareils aux jalousies, regardant d'un grand oeil noir s'ébattre ou se cabrer des chiens qui pourraient être biches ou licornes ou n'importe quel animal de fable' (Jean Cocteau)" 


mercredi 3 juillet 2013

Chronique de l'Antigone d'Anouilh : la liberté, acte de mort ?

  J'avais adoré l'Antigone de Sophocle. J'ai décidé qu'il était temps de lire la réécriture d'Anouilh.

4e de couverture :
"L'Antigone de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par coeur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre"

Anouilh, 1944

  Le mythe d'Antigone, tout le monde le connaît plus ou moins, mais ça ne fait jamais de mal de le rappeler : Antigone et Ismène sont les filles survivantes d'OEdipe, et leurs frères Eteocle et Polynice sont morts en se battant pour le royaume, qui maintenant a échu à Créon, leur oncle (dont le fils Hémon est le fiancé d'Antigone). Dans l'affaire, Eteocle est le héros, Polynice le révolutionnaire. Afin de donner une leçon à ceux qui auraient l'âme à l'insurrection, Créon ordonne que le corps de Polynice soit laissé sans sépulture, à pourrir dehors à la merci des charognards ; pire, dans la tradition antique, les âmes de ceux qui sont laissés sans sépultures sont condamnées à errer pour toujours dans les Limbes, sans trouver le repos. La petite Antigone ne peut le supporter et part enterrer le corps de son frère, alors qu'un tel acte est puni de mort...

  Dans l'Antigone de Sophocle, l'opposition entre Antigone est Créon porte sur une dichotomie des plus anciennes : l'ordre de la famille contre l'ordre de la loi. Antigone se fait le porte-parole de la loi intérieure, celle du sang, qui lui interdit de laisser le corps de son frère sans sépulture. Créon le roi, lui, est la voix de la loi établie par la société. Bref, la loi du collectif contre la loi de l'individuel, la cité contre la famille.

  Dans celle d'Anouilh, on peut retrouver cette opposition, mais l'opposition fondamentale entre Antigone et Créon (leur joute verbale occupe à peu près les 2/3 de la pièce) porte sur la liberté et le bonheur. Créon ne désire pas laisser pourrir le corps de Polynice, et il ne désire pas tuer Antigone, mais il va être obligé de le faire, car il est roi et qu'il doit donner l'exemple, et que s'il se montre faible, la foule risque de l'avaler. Quand on lui a demandé s'il voulait être roi, il a dit "oui", et depuis ce "oui", il doit dire "oui" à tout. Antigone, elle, est la puissance de la négation incarnée : elle a le droit de dire non, même si elle le paiera de sa vie. Dans le contexte de la France de Vichy avec tous les dirigeants et les fonctionnaires qui ne s'estimaient en rien responsables de la déportation dans les camps de la mort (c'est toujours la faute du supérieur), un tel acte est à la fois un acte de liberté et un suicide.
  Antigone oppose également aux petits bonheurs rares de la vie que lui décrit Créon, le bonheur intense de l'instant vécu, passionné. Elle préfère mourir jeune avec le souvenir d'un amour fort auprès de son fiancé, et en agissant en fonction de ses idéaux, plutôt que de se laisser corrompre par l'âge et de petit à petit devenir résignée sur des sujets de plus en plus variés. Elle préfère son enfant imaginaire avec Hémon à celui qu'elle pourrait avoir "en vrai" ; d'une certaine manière, cet enfant imaginaire est bien plus réel, car les lois de la cité sont tellement absurdes qu'une fois qu'on devient adulte, on ne vit plus réellement. En ce sens, Antigone est la figure du suicide, de l'impossibilité pour l'homme moral de vivre - l'échec de la morale et des valeurs humaines face à l'instinct des bêtes, que les lois reproduisent dans la société.

"C'est reposant, la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir"

"Moi, je peux dire 'non' encore à tout ce que je n'aime pas et je suis seul juge"

"Je le comprends, maintenant, Antigone était faite pour être morte. Elle-même ne le savait peut-être pas, mais Polynice n'était qu'un prétexte. Quand elle a dû y renoncer, elle a trouvé autre chose tout de suite. Ce qui importait pour elle, c'était de refuser et de mourir"

  Cette pièce est magnifique, vous pouvez la commander sur le site de la Fnac pour 1€, et vous la trouverez au même prix dans toutes les petites librairies d'occasion. Elle se lit très rapidement, en une heure, et ceux qui sont agacés par le système de la tragédie en cinq actes avec des rebondissements et l'espoir que les personnages survivent ne trouveront pas de tel schéma ici, le Prologue le dit d'ailleurs dès le début :

"Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...Et, depuis que ce rideau s'est levé, elle sent qu'elle s'éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n'avons pas à mourir ce soir."

lundi 1 juillet 2013

The Great gatsby (F. S. Fitzgerald), détour dans la BD, et promenade au Salon du Livre de Poche

  Récemment, j'ai enfin lu The Great Gatsby, un livre que j'avais en ma possession et que je désirais lire depuis quelques années déjà, mais l'un de ces livres qu'on range à contrecœur dans sa bibli pour cause de choses plus triviales à faire, et qu'on ne finit par déterrer que longtemps après... (vous voyez tous ce que je veux dire, je parie que vous en avez aussi des piles, comme ça, dans vos étagères). Bref, avec la sortie du film de Baz Luhrmann cette année, je me suis dit qu'il était temps que je le lise, et c'est maintenant chose faite. Sauf que je n'ai pas encore vu le film, donc j'en dirai un ou deux mots plus tard une fois que je l'aurai visionné.

  Résumé :
  The Great Gatsby est LE roman typique des années 20, nommées les années folles ou encore, dans la langue de nos amis anglophones, "the roaring twenties". Au programme : robes de charleston, Jazz Age, fortunes rapides emblématiques du Gilded Age (l'âge des richesses fausses), ivresse des fêtes pour oublier l'horreur de la Première Guerre mondiale avant de sombrer dans la Grande Récession... au milieu de ce contexte, Nick Carraway, le narrateur, vient vivre à New York travailler dans la finance. Il a bientôt la trentaine (âge symbolique de la fin des espoirs de la jeunesse), une condition assez modeste, et connaît peu de monde - mis à part sa cousine Daisy, qui en éblouit plus d'un par sa fraîcheur et sa beauté, et son mari Tom Buchanan, modèle type du système patriarcal, aux opinions conservatrices, qui considère qu'autant sa femme que sa maîtresse lui sont dues. Mais à côté de la demeure miteuse de Nick se trouve la villa du grand Gatsby, cet homme fortuné et mystérieux dont tout le monde parle, et qui accueille toute la société new-yorkaise huppée à ses fêtes multicolores. Nouveau riche, Gatsby est en fait l'ancien amant de Daisy, à laquelle il n'a pas pu se marier car il était trop pauvre ; or, il a bien l'intention de la reconquérir avec ses richesses... un projet tout aussi fou que l'ébriété constante dans laquelle vivent tous les personnages - tous, à l'exception de Nick, seul en retrait par rapport à cette insouciance généralisée, celle de la "Lost Generation".

  De taille assez menue (186 pages dans mon édition, la Penguin Popular Classics, dont la couverture n'est malheureusement pas l'image qui illustre cet article, que je trouve absolument superbe), The Great Gatsby n'en est pas moins une lecture assez difficile. Ca vient peut-être du fait que je l'ai lu en anglais et que la langue utilisée par Fitzgerald est très sophistiquée, et que du coup je prenais mon temps pour peser chaque paragraphe, le relire, m'imprégner de toute la richesse du texte. Si bien qu'en terminant le livre, j'avais presque envie de le lire à nouveau aussitôt afin de prêter attention à plus de détails, plus de chemins de traverse que le texte dessine et finalement ne suit pas... et pourtant, c'est un livre dont j'ai étudié de nombreux extraits au cours de mes études d'angliciste (je connaissais notamment les trois premières pages ainsi que les trois dernières pages par coeur, sans parler des nombreuses descriptions des fêtes de Gatsby qu'on trouve dans tout manuel d'anglais). Donc, un livre très dense, très riche.

  Cependant le livre est porté par une énergie interne, qui repose en partie sur l'agitation incessante de ses protagonistes, et cette énergie nous fait survoler parfois de façon presque légère des pages entières, ce qui contraste avec ces moments de fourmillement où l'on reste vingt minutes sur le même paragraphe de dix lignes, hypnotisé par les mots. Il faudrait que je le lise à nouveau pour décrire mieux ce phénomène, mais en tout cas ce n'est pas de la lourdeur ni de la pesanteur : ce n'est pas le même effet que celui que laisse un roman comme Heart of Darkness (équivalent au niveau longueur), très dense également, mais qui opère distillant du poison dans les veines du lecteur, l'entraîne dans les profondeurs, jusqu'à lui asséner le coup de massue final. Du fait que The Great Gatsby soit narré par Nick, qui se tient à distance par rapport aux autres protagonistes, le lecteur observe leurs folies sans se sentir entraîné dedans.

  Ce que j'ai apprécie avec ce livre, c'est surtout l'oscillation entre moments de cynisme intense, de désespoir en l'humanité, et d'un autre côté, des moments de lyrisme assez époustouflants avec des scènes de contemplation qui laissent béat. La toute première description de Gatsby la tête tournée vers les étoiles à la fin du premier chapitres est le grand tournant qui fait que le lecteur sent qu'il ne peut pas reposer ce livre, je pense. A partir du moment où on a vu Gatsby, peu importe qu'il soit menteur, tricheur, pathétique à certains égards et magnifique à d'autres, lâche, et aussi "gilded" (donc décoré à la surface seulement) que l'âge dans lequel il évolue, il n'en reste pas moins un sujet de fascination autant que de pitié, celui qui absorbe Nick et le lecteur par la même occasion. L'amitié entre Nick et Gatsby d'ailleurs est une des plus intéressantes relations du livre. Parmi ces relations qui ont attisé ma curiosité figure également celle de Nick et de Jordan Baker, une jeune tenniswoman amie de Daisy, insouciante comme les autres mais qui montre un peu plus de profondeur et de distance, comme Nick...

En conclusion : un très beau livre, qu'on aime de plus en plus à mesure qu'on avance dedans. Je regarderai bientôt la version qui vient de sortir au cinéma, puis je re-regarderai la version avec Robert Redford qui est géniale et dont j'avais heureusement oublié la moitié (film regardé quand j'avais douze ans), ce qui m'a permis d'apprécier davantage plusieurs moments de suspense.


  J'ai aussi récemment fait la découverte d'une BD, ce qui est inhabituel pour moi car j'en lis assez peu : Le combat ordinaire de Manu Larcenet. Je n'en ai lu que la première moitié, c'est la coloc du quelqu'un que je fréquente en ce moment qui lit ça et je me suis laissée tenter pendant qu'il préparait le café, et j'ai vraiment bien aimé.
  Marco est un photographe (surtout de guerre si j'ai bien compris) qui abandonne tout à coup son boulot et cesse de consulter son psy qui l'arnaque depuis huit ans. Comme il a un peu d'argent de côté, il se retire à la campagne avec son chat tyrannique pour affronter ses crises d'angoisse et méditer sur lui-même, loin de son père qui a la maladie d’Alzheimer et de toutes les obligations du quotidien...



  Enfin, j'aimerais vous parler un peu du Salon du Livre de Poche de Saint-Maur, auquel je suis allée avec Grazyel le Dimanche 23 Juillet. L'an dernier, j'y avais également rejoint Jamestine et Matilda, et j'avais loupé Alicia de peu, mais cette année pas mal de monde était déjà parti en vacances alors je n'y ai retrouvé que Grazyel (et sa maman).

  On n'a pu y aller que le Dimanche matin, du coup on a loupé des auteurs qu'on aurait bien aimé voir... mais Grazyel a eu la chance de se faire dédicacer par moins de quatre bouquins par Cristina Rodriguez, et j'ai pu apercevoir Francis Huster (que j'avais adoré dans une adaptation au théâtre de La Peste de Camus au Théâtre des Mathurins il y a deux ans), sans aller à son stand cependant, car il y avait une queue à faire peur.

  J'ai fait l'acquisition de Rainbow pour Rimbaud de Jean Teulé, et de G229 de Jean-Philippe Blondel (sur les conseils avisés de certaines). Comme c'étaient deux livres de poche, je me suis vu offrir un polar, sauf que ça ne me disait rien alors on a fait un troc avec Grazyel, qui me l'a échangé contre Délicieuses pourritures de Joyce Carol Oates, et la mère de Grazyel m'a donné La Reine des lectrices d'Alan Bennet (elle était bien contente avec son Connelly dédicacé). Donc je devrais tester tout ça bientôt ! Sans oublier les deux jolis marque-pages et les crayons que j'ai gagnés. En tout cas, le Salon du Livre de Poche, c'est cool, et j'espère y croiser plus d'entre vous l'an prochain !