Tome 2 : Les Frontières de Glace
"En Gwendalavir, Ewilan et Salim partent avec leurs compagnons aux abords des Frontières de Glace pour libérer les Sentinelles garantes de la paix. Ils repoussent en chemin les attaques de guerriers cochons, d'ogres et de mercenaires du Chaos, résolus avec les Ts'liches à tuer Ewilan, mais se découvrent un peuple allié : les Faëls.
Salim se lie d'amitié avec une marchombre aux pouvoirs fascinants, tandis qu'Ewilan assoit son autorité et affermit son Don. Mais pour prétendre délivrer les Sentinelles, elle devra d'abord percer le secret du Gardien..."
Vous me voyez donc continuer ma lecture de la trilogie La Quête d'Ewilan (après lecture de laquelle je compte bien m'attaquer aux Mondes d'Ewilan, puis à la trilogie sur Ellana). C'est avec un grand plaisir sur j'ai continué dans ma lecture de cette trilogie, et ai retrouvé les personnages auxquels je m'étais déjà attachée dans le tome 1 ; de plus on en découvre d'autres, qui ne sont pas moins intéressants (coup de coeur particulier sur le Faël Chiam Vite).
Le monde soigneusement mis en place par Pierre Bottero dans le premier tome se développe davantage et nous rencontrons de nombreuses créatures dont nous avions entendu parler avant, mais que nous n'avions pas vues : des trolls, goules, Faëls... et bien d'autres. Nous découvrons également plus de secrets sur des sociétés comme celle des rêveurs ou celle des marchombres, et les personnages principaux sont traités plus en profondeur. Aucun retour dans le monde de tous les jours cette fois-ci : on est bien ancré en Gwendalavir, et on y reste ! La mythologie gwendalavirienne s'épaissit, d'ailleurs tous les chapitres commencent par une définition d'un terme ou par une citation d'un personnage, ce qui nous assied un peu plus dans l'imaginaire de l'auteur (même si pour ma part, j'aurais de loin préféré que ces termes et citations soient introduits dans le récit général plutôt qu'ainsi, au début de chaque chapitre... c'est un peu comme si dans HP 3, dans le chapitre où Buck apparaît pour la première fois, on avait une définition de l'hippogriffe et non une description saisissante au moment où Harry le voit).
J'ai adoré ce tome, bien évidemment (notamment tout le mythe qu'il construit autour de la Dame et d'un certain Gardien... j'ai d'ailleurs mis le mot "Gardien" dans le résumé à la place de celui qui figure dans le résumé original qu'on trouve sur tous les sites du style Fnac etc., car ce résumé original vous révèle l'identité du Gardien, et ce n'est pas drôle). Cependant, j'ai préféré le premier tome. Pas de beaucoup, mais tout de même, je le trouvais plus riche à plusieurs égards. D'abord, il ne se passe pas grand-chose pendant les deux premiers tiers du livre, les personnages voyagent et affrontent quelques créatures de temps en temps ; or, le parti pris d'écrire un livre jeunesse fait que ces créatures que les personnages rencontrent... ne sont vraiment pas effrayantes. Il y a bien des combats qui nous tiennent en haleine, mais quand on compare avec les face-à-face entre Harry et Voldemort ou à la guerre d'A la croisée des Mondes, ça manque un peu d'étincelles et de gouttes de sueur qui coulent le long de la colonne vertébrale. De même, le suspense est un peu amoindri par l'humour constant. Je ne vais pas me plaindre que le livre soit drôle, je trouve au contraire que c'est l'une de ses principales qualités (notamment dans les dialogues, qui sont les passages que j'apprécie le plus chez cet auteur), mais bon, moi, au milieu d'un récit de bataille, j'aime frissonner de peur, pas rigoler en raison des blagues.
Par ailleurs, un sentiment que j'avais déjà avec le premier tome s'est accru avec celui-ci : j'aurais voulu que le roman soit deux fois plus long. Ce doit être mon habitude de lire des livres de fantasy qui sont de véritables pavés, mais du coup, j'aurais voulu que Pierre Bottero développe davantage encore son univers et l'histoire. Vous me direz, c'est déjà superbement développé, et en plus, il continue avec deux autres trilogies après (et il comptait en écrire une quatrième avant de mourir, je crois ?), mais au niveau du livre lui-même, Les Frontières de Glace, avec ce qui est raconté dedans, j'aurais voulu que tout ça, eh bien, ce soit raconté dans un format multiplié par deux. Parfois certains événements vont un peu trop vite, on voudrait les savourer sur plusieurs pages au lieu d'une seule, faire durer le suspense, décrire plus en détails telle ou telle chose... ce n'est pas forcément un problème de longueur d'ailleurs, certaines des meilleures hypotyposes se forment avec une poignée de mots, mais dans le cas des Frontières de Glace, j'aurais aimé que ça dure plus longtemps. Du coup, je trouve que certains passages manquent un tout petit peu d'emphase (notamment quand certains personnages se transforment en statues... on aimerait bien observer leur métamorphose et frémir d'horreur... OK je suis en train de me rendre compte à quel point j'ai l'air sadique et sans coeur quand j'écris ça, hum). On aimerait en apprendre davantage sur l'entraînement de Salim et sur les progrès de Camille (ça, c'est le complexe d'Harry Potter qui revient, je suis habituée à lire des séances d'entraînement intenses qui s'étalent sur un chapitre entier). Enfin, j'imagine que j'aurai l'occasion d'en apprendre plus dans les tomes des trilogies suivantes, et si j'ai bien compris, ils seront plus âgés ne serait-ce que dans le tome 3, donc ça ne manquera pas de surprises !
La langue de l'auteur est toujours aussi fluide et agréable à lire, accessible pour les 7 à 77 ans, j'ai simplement un peu tiqué sur certaines erreurs de langue du style "Au final" (non, cette expression n'existe pas, même si ça a fini par passer dans le langage courant au point que j'ai même entendu certains professeurs l'employer...) ou "lier connaissance" (on dit "faire connaissance" ou "se lier d'amitié"). Autre chose qui m'a un tout petit peu dérangée : les discours amoureux !!! Vraiment pas la meilleure partie du bouquin (je ne suis pas une grande fan des envolées lyriques), mais fort heureusement ça n'en occupe qu'une infime partie. Ne vous méprenez pas, j'adore les couples que l'auteur construit ; j'aimerais juste que ça reste un peu plus dans la suggestion...
En me relisant, j'ai l'impression d'avoir descendu le bouquin... ce qui est à des lieues de mon intention ! Vraiment, je l'ai adoré. Mais je ne peux pas m'empêcher de le comparer à d'autres sagas de fantasy que j'ai lues... je pense que la meilleure chose à faire, c'est de lire La Quête d'Ewilan en se disant que c'est pour un public tout âge, mais généralement plus jeune qu'Harry Potter (par exemple), ce qui évite d'être déçu par rapport à ce que j'ai mentionné plus haut.
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Moderato cantabile, Marguerite Duras
124 pages (petit format), 5,30€ chez Minuit (personnellement je l'ai dégoté à 1€ chez Book-Off, ça doit se trouver... et puis le roman est suivi d'un dossier critique, ce qui n'est pas négligeable).
"Un meurtre a lieu dans un café au-dessus duquel Anne Desbaresdes accompagne son fils à sa leçon de piano – il rechigne à jouer la sonatine de Diabelli et s'obstine à ignorer la signification de moderato cantabile. Dans ce café, elle rencontre un homme – il lui dira s'appeler Chauvin – qu'elle interroge chaque jour, lors de fins d'après-midi qui s'étirent, à propos du crime passionnel, dont ils ne savent rien l'un et l'autre. Le dialogue entre la jeune bourgeoise et l'ancien employé de son mari, répétitif et rythmé de verres de vin, les rapproche dans leur ennui."
(C'est le résumé contenant le moins de spoilers que j'ai pu trouver, sur Wikipédia... les éditions de Minuit ont une superbe quatrième de couverture mais malheureusement, ça dit d'avance tout ce qui se passe dans le livre... alors certes, l'intérêt de cette oeuvre ne réside pas du tout dans son suspense puisqu'il ne se passe, pour ainsi dire, rien pendant tout le livre, mais je sais que tous les lecteurs ont des manières de lire différentes et que pour certains, savoir ce qui se passe gâche la lecture, donc je respecte cette censure, c'est d'ailleurs la seule sorte de censure que je respecte).
Ce livre était ma première rencontre avec Duras, que j'avais envie de découvrir depuis un bon moment. Ma foi, ce fut une très bonne rencontre ! Et j'ai hâte de lire Duras à nouveau (j'ai notamment l'Amour dans ma bibli...). J'aime beaucoup l'incipit, que j'avais traduit un jour en cours de Thème...
Duras nous offre la peinture de tableaux variés et trompeurs : les couchers de soleil, les jeux de l'enfant, les tremblements d'Anne Desbaresdes, son alcoolisme et son adultère naissants, la grande maison, le routine d'un café... il y a toujours quelque chose derrière les images, quelque chose derrière les structures - et on quitte le roman sans vraiment savoir ce qu'il y avait derrière ! Mais c'est justement ça qui fait le charme de cette écriture.
La solitude, l'exclusion, et la ruine sont probablement les personnages principaux de ce roman. J'ai beaucoup aimé l'image de la fleur déjà fanée qu'Anne utilise comme ornement pour mettre entre ses seins ; il y a tout un tas de symboles comme ça qui sont très fort.
Bref, ce livre m'a donné envie d'explorer un peu plus le Nouveau Roman (si tant est qu'on puisse l'y réduire), mouvement dont je m'étais détournée après la lecture décevante de La Jalousie d'Alain Robbe-Grillet (auteur qu'admiraient plusieurs de mes amis de prépa... personnellement je n'ai pas eu l'ombre d'une émotion en lisant ce livre, alors certes niveau construction intellectuelle c'est très élaboré, mais une lecture qui n'est qu'un exercice intellectuel, c'est un peu comme le théâtre conceptuel, on en ressort de marbre et inchangé).
" - Dépêchez-vous de parler. Inventez.
Elle fit un effort, parla presque haut dans le café encore désert.
- Ce qu'il faudrait c'est habiter une ville sans arbres les arbres crient lorsqu'il y a du vent ici il y en a toujours toujours à l'exception de deux jours par an à votre place voyez-vous je m'en irai d'ici je n'y resterai pas tous les oiseaux ou presque sont des oiseaux de mer qu'on trouve crevés après les orages et quand l'orage cesse que les arbres ne crient plus on les entend crier eux sur la plage comme des égorgés ça empêche les enfants de dormir non moi je m'en irais"
"Anne Desbaresdes boit, et ça ne cesse pas, le Pommard continue d'avoir ce soir la saveur anéantissante des lèvres inconnues d'un homme de la rue.
Cet homme a quitté le boulevard de la Mer, il a fait le tour du parc, l'a regardé des dunes qui, au nord, le bordent, puis il est revenu, il a redescendu le talus, il est redescendu jusqu'à la grève. Et de nouveau il s'y est allongé, à sa place. Il s'étire, reste un moment immobile face à la mer, se retourne sur lui-même et regarde une fois de plus les stores blancs devant les baies illuminées. Puis il se relève, prend un galet, vise un de ces baies, se retourne de nouveau, jette le galet dans la mer, s'allonge, s'étire encore et, tout haut, prononce un nom [...]
Le pétale de magnolia est lisse, d'un grain nu. Les doigts le froissent jusqu'à le trouer puis, interdits, s'arrêtent, se reposent sur la table, attendent, prennent une contenance, illusoire. Car on s'en est aperçu. Anne Desbaresdes s'essaye à un sourire d'excuse de n'avoir pu faire autrement, mais elle est ivre et son visage prend le faciès impudique de l'aveu. Le regard s'appesantit, impassible, mais revenu déjà douloureusement de tout étonnement. On s'y attendait depuis toujours"
En conclusion : deux très bonnes lectures !
A bientôt, Alacris
C'est très chouette que tu aies aimé ce deuxième tome o/ Je vois ce que tu veux dire pour la complexité et le fait que tu compares avec d'autres bouquins plus élaborés, mais quand j'ai découvert la série j'avais quinze ans et moins de référence et d'expérience donc je n'avais pas eu ce "problème".
RépondreSupprimerEt rassures-toi tu vas avoir le temps d'approfondir l'univers dans les autres trilogies (et oui il comptait en écrire une autre avant de mourir).
Côté Marguerite Duras, j'avoue qu'elle ne m'a jamais tenté. Me donne l'impression qu'elle se regarde écrire en fait, et je n'ai pas accroché à l'extrait que tu as mis. Je vais donc m'abstenir pour le moment.
C'est vrai que les oeuvres de Duras ont le défaut de faire partie de ce corpus de livres qui sont officieusement réservés aux gens qui se disent "intellectuels"... dans le genre : pas la lecture pour le plaisir, surtout pas, quelle vulgarité, on est au-dessus de ça. Il n'y a quasiment que des gens en études de lettres qui la lisent. Après, je m'attendais à quelque chose de plus déconstructionniste et érudit justement, donc j'ai été agréablement surprise avec Moderato Cantabile. Je vais essayer d'en lire plus d'elle, je te tiens au courant s'il y en a qui m'emportent vraiment et qui pourraient te plaire =)
SupprimerC'est peut être justement de l'intellectualisme qui s'ignore mais je trouve Duras très "sensible", justement. J'ai toujours trouvé qu'elle écrivait en impressionniste (en poète?), avec des images tellement justes qu'elle touchent immédiatement, dans le sens sensible du terme, alors que prises au pied de la lettre, elles ne sont pas transparentes. Exemple du réenchantement du quotidien, aussi.
SupprimerElle se regarde écrire, peut être. J'ai plus l'impression, qu'en fait, elle ne cesse jamais d'écrire, même lorsqu'elle parle (de ses écrits, d'autre chose), ce qui peut lui donner un air un peu pédant.
J'ai un bon souvenir de "L'amant", j'avais beaucoup aimé "Moderato cantabile"
Très jolie défense de Duras =) je note L'amant.
SupprimerImpressionniste, maintenant que j'y pense, c'est exactement ça. Des petites touches d'images juxtaposées les unes aux autres, un peu à la manière des haikus mais dans un roman ; une sorte d'héritage de l'imagisme aussi...