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mardi 30 avril 2013

Récit d'expo : L'ange du bizarre, le romantisme noir de Goya à Max Ernst



  Après deux visites dans cette expo magnifique, la dernière en date en compagnie de Grazyel, Jamestine, et Matilda, je me décide enfin à en faire un compte-rendu.
  Ce n'est pas sans crainte que je me mets à la tâche, car  1) c'est une expo plus grande et plus riche que celles qu'il y a d'habitude à Orsay, 2) je l'ai absolument adorée, et 3) je me suis promis de faire ça en un article.


Thomas Cole, Expulsion, lune et lueur de feu
  L'un des premiers tableaux qu'on aperçoit, et alors là je vais faire geek de chez geek, mais comme mes camarades d'expo ont partagé la même idée que moi, je vais avouer sans rougir que le décor me fait énormément penser au Seigneur des Anneaux (allez quoi, le Mordor dans le fond... non ? Vous tremblez devant la colère de Sauron, ou quoi ?). Ce qui n'est pas si saugrenu si on pense que Le Seigneur des Anneaux est l'héritier distant de tout un art du surnaturel et, précisément, du romantisme noir (et toc, voilà qui s'appelle intellectualiser sa geekerie et son fandom de Peter Jackson). Autrement, ce qui m'intrigue beaucoup dans ce tableau (n'hésitez pas à cliquer pour agrandir l'image), c'est le fait que plusieurs étapes du jour s'y rencontrent : à gauche, la lune, au milieu, les ténèbres, et à droite, un morceau de ciel bleu... comme si dans les contrées du Mordor dans les ruines, la nuit éternelle régnait...

Fussli, Les trois sorcières
  On passe maintenant à un peintre à l'ambiance très différente, Fussli. Je ne mettrai pas ici d'image du Cauchemar car c'est une des plus célèbres de l'expo et vous pouvez la trouver partout, donc même si je trouve ce tableau génial, je préfère essayer de faire un article un peu original, qui se concentre sur les oeuvres négligées de l'expo.
  Ci-dessus donc, les trois sorcières de Macbeth (Shakespeare était une source de scènes innombrables pour les peintres du romantisme noir !). J'ai été frappée par le fait que de celle qui est au premier plan jusqu'à celle dans le fond, on avance de plus en plus dans l'obscurité et dans l'inhumain : la dernière sorcière est la plus vieille, la plus ridée, et c'est celle qui a les traits les plus tordus.

  Autre tableau de Fussli, Satan chassé du paradis par l'ange Ithuriel (donc l'un de ses frères, puisque Satan, ne l'oublions pas, est un ange déchu : dans la tradition biblique, c'était même l'ange préféré de Dieu et son autre nom est Lucifer, en latin "le porteur de lumière").
  Cette scène est tirée du Paradise Lost du poète anglais John Milton, grande source d'inspiration elle aussi (en particulier pour le poète et dessinateur anglais Blake), car cette oeuvre s'est intéressée au personnage de Satan et l'a montré pour la première fois, pas tant comme le démon au rôle duquel on essaie de le réduire, mais vraiment comme un "ange du bizarre" pour copier l'intitulé de l'expo : Satan est un mélange de ténèbres et de lumière, et je trouve que c'est très bien illustré sur ce tableau qui nous montre Satan (à droite) qui s'enfonce certes dans les ténèbres, mais dans un mouvement ascendant, et qui est le plus baigné de lumière de tous les personnages présents sur la toile.

"Le plus parfait type de beauté virile est Satan à la manière de Milton" Baudelaire




  Deux oeuvres de Louis Boulanger à présent : à droite, Les Fantômes, illustration pour Les Orientales de Victor Hugo. Les traits sans contours et l'aspect fuyant des personnages donne un profond sentiment de malaise, sans parler des morts parmi les vagues (dans une sorte de Styx) et du clair de lune lugubre dans le fond... 
  Et la Ronde du Sabbat (le Sabbat étant une fête présidée par un sorcier, ici dans l'ombre, au centre du cercle, et qui donne libre cours à toutes les passions). On dirait une formidable orgie, avec tous ces bras nus, ces chairs rouges, cette mêlée humaine. La sensualité de la peinture ressort beaucoup et l'on voit la chair et les forces obscures ont longtemps été considérées comme soeurs jumelles, d'où le tabou du sexe dans la société.

Goya, Le songe de la raison
 engendre des monstres


  Outre le fait que j'adore le titre de cette gravure, qui sous-entend que dès que la raison de l'homme s'endort, son imagination démarre au grand galop et peuple son esprit de bizarreries, j'aime beaucoup sa représentation : l'homme assoupi est entouré de créatures de la nuit tenues pour dangereuses : chauve-souris, chouettes, chats, et même un lynx en bas à droite...

  Ces animaux représentent les folies qui peuvent grandir dans l'esprit d'un homme dont la raison s'endort ; sources d'inspirations oui, mais qui grignotent lentement son esprit. Ca me fait penser à cette citation de Victor Hugo : "la rêverie a ses morts, les fous".






Route de campagne en hiver au clair de lune, Blechen
Paysage romantique
avec ruine, Blechen
  Du Blechen à présent. Le tableau de gauche est un concentré des éléments du romantisme noir : il fait intervenir les acteurs ordinaire comme la chouette, le serpent, le couple d'amants, et le château en ruine au loin. L'effet obscurité / jour est aussi assez saisissant, surtout qu'on entre dans le jour après avoir franchi la barrière invisible de l'arcade, peut-être symbole de la porte entre le monde des vivants et l'au-delà...
  Route de campagne au clair de lune quant à lui m'a saisie par son jeu de couleurs : le bleu-vert de la nuit est fou, malade, ivre, et la lune brille solitaire au milieu, minuscule et pourtant elle irradie partout. Les arbres nus semblent se tordre dans une danse macabre, leurs ombres s'allongent jusqu'au bord du tableau, jusqu'à nous spectateurs, infectés par la vision de ce paysage...

Hamlet et Horatio au cimetière, Delacroix - x 2 !

  Une fois de plus, les oeuvres de Shakespeare produisent un sol fertile à partir duquel l'imagination des peintres va se développer. Ci-dessus, deux versions de Delacroix de Hamlet et Horatio au cimetière, dont seule celle de gauche était à l'expo d'Orsay. Personnellement je préfère celle de droite, car sur celle de gauche Hamlet fait vraiment très délicat, surtout avec cette jambe et ces traits fins extrêmement androgynes, faisant de lui une figure presque féminine (et il y a selon moi des hommes beaucoup plus féminins que Hamlet dans l'oeuvre générale de Shakespeare, mais toutes les interprétations sont les bienvenues, et le choix de Delacroix est intéressant). J'aime bien cependant le fait que ce soit Hamlet qui tienne le crâne dans la version de gauche.







Ce tableau m'a quant à lui frappée par son réalisme : on a vraiment l'impression d'avoir ce château
en face de nous, et il se fond dans le décor de la montagne à force de tomber en décrépitude.


Lessing Carl, Paysage montagneux en ruines dans une fosse.










  Deux versions différentes de la femme-poison ou femme fatale : en effet la femme était vue par beaucoup comme la tentation incarnée, la personnification du diable, envoyée sur terre pour faire souffrir les hommes. Du fait de ses atouts charnels, la femme est également très liée à la nature, ce qui en fait la source de toute regénération ; la nature est bien appelée "Mère Nature". Seulement, en  goûtant aux atouts de la femme, l'homme pénètre un territoire obscur, si bien que dans toute reproduction de l'espèce il y a souillure et trahison par la femme.

 Le péché de Von Stuck, où les cheveux de la tentatrice en tenue d'Eve se mêlent avec l'énorme serpent, puissant symbole phallique mais aussi celui qui pousse Eve a croquer dans le fruit interdit dans la Genèse...

  Et Méduse ou Vague furieuse de Lévy-Dhurmer, où l'on voit Méduse en proie à ses tourments. Méduse avait en fait été violée par Poséidon, et depuis, tous les hommes qui croisent son regard se pétrifient jusqu'à se transformer en statues. Elle est donc une figure castratrice, mais aussi une figure du profond malheur.

Deux illustrations de La tentation de Saint-Antoine
de Flaubert par le peintre Odilon Redon
  Contrairement à beaucoup de gens, j'adore Odilon Redon. C'est un univers souvent macabre, angoissant, un univers fait d'inquiétudes sourdes et diffuses mais jamais de terreurs qui se disent clairement : il y a toujours un truc dans l'ombre qui semble ronger quelque chose, un regard qui fait froid dans le dos, un sentiment de malaise qui se dégage de l'ensemble. On pense notamment à son araignée géante. Et en même temps c'est très beau. D'autres oeuvres de lui, les peintures, sont bien plus colorées, mais elles ne figuraient par à l'expo et j'en parlerai à une autre occasion que celle du romantisme noir.


  La mort au bal de Félicien Rops, avec toute cette thématique de la mort comme un jeu et comme une danse macabre qui s'ouvre sur la plus lugubre des issues. J'ai toujours aimé les représentations de squelettes qui dansent (mon amour de L'étrange Noël de Monsieur Jack, sans doute).

  Galatée de Gustave Moreau, qui m'a frappée, outre ses couleurs magnifiques, par le contraste d'échelle entre les deux personnages : l'homme semble presque un géant par rapport à la femme, il l'observe comme par une petite fenêtre... cette femme pourrait donc être une chimère de son imagination, qu'il voit par les fissures de son esprit malade (en cliquant pour agrandir vous constaterez qu'il n'a pas l'air de nourrir des desseins très joyeux, et le regard qu'il lance à la femme / objet de désir est sans équivoque mauvais).

Munch, Vampire

  Passons à Munch, l'un de mes peintres préférés, et qui était sous-représenté à cette expo malheureusement. Il y a un fil directeur dans l'oeuvre de Munch, c'est les femmes-vampires, aux longs cheveux qui sont aussi bien une protection pour l'homme qui se réfugie en-dessous que des tentacules maléfiques prêtes à l'étrangler et à aspirer la vie hors de lui. Peu réjouissant, me direz-vous, et réducteur par rapport à la femme. Sans doute, mais d'un point de vue artistique, ça donne des choses magnifiques, et l'on voit bien dans ce tableau que la femme a des cheveux roux comparables à ceux de Lillith (la compagne de Satan, première femme d'Adam qui a basculé du côté obscur de la force), ce qui fait d'elle une succube, une créature des enfers, et son étreinte semble une morsure.


  On entre dans une période plus moderne, fin XIXe.

  Ce tableau m'a plu d'abord pour ses couleurs, mais aussi pour le changement dans la perception : la femme est certes toujours investie d'un pouvoir diabolique puisqu'elle est un objet de désir dangereux, beauté vénéneuse indifférente à l'amour de l'homme, mais elle est montrée également dans sa fragilité et sa figure est brouillée, si bien qu'elle devient plus humaine. Mais l'obscurité garde toujours une part importante dans le tableau.

  Bonnard, Femme assoupie ou L'Indolente.



  A présent un univers plus onirique (le monde des rêves et des cauchemars), qui envahit la réalité au point de la rendre méconnaissable.

  Clair de lune et lumières de Spilliaert m'a saisie car on dirait du Van Gogh, mais en plus sombre. C'est un peu facile de dire que partout où il y a un tourbillon, ça ressemble à du Van Gogh, mais ça a été mon impression, et on se place donc dans un imaginaire vraiment très noir.

  Message de la forêt de Toyen m'a lui beaucoup déstabilisée : le bleu de cet oiseau est magnifique, et en même temps c'est un oiseau meurtrier, démoniaque, qui arrache la tête livide d'une jeune fille et resserre ses griffes sur elle, au milieu d'une forêt cauchemardesque qui a perdu tout contour.


Le colloque sentimental, Magritte



  Enfin, je souhaite terminer sur Le colloque sentimental de Magritte. Je n'arrive pas à trancher si je trouve ce tableau drôle ou s'il me met mal à l'aise ; un peu des deux, j'imagine. Freud disait que ce qui nous faisait rire était précisément ce qui nous mettait mal à l'aise. Il y a un peu de vrai là-dedans.






  J'avais d'autres tableaux en réserve, mais cet article s'éternise ; aussi, je les ferai paraître plus tard, au détour d'un article ou d'un autre =)

  En espérant que ce tour d'horizon vous ait donné envie d'aller voir l'expo... si vous n'êtes pas déjà allés la voir, foncez-y !! Ca va jusqu'à début Juin.

Alacris

dimanche 28 avril 2013

Chronique de Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Stefan Zweig



Scandale dans une pension de famille "comme il faut" sur la Côte d'Azur au début du siècle : Mme Henriette, la femme d'un des clients, s'est enfuie avec un jeune homme qui pourtant n'avait passé là qu'une journée...
Seul le narrateur tente de comprendre cette "créature sans moralité", avec l'aide inattendue d'une vieille femme anglaise très distinguée, qui lui expliquera quels feux mal éteints cette aventure a ranimés chez elle.

Ce récit d'une passion foudroyante, bref et aigu comme les affectionnait l'auteur d'Amok et du Joueur d'échecs, est une de ses plus incontestables réussites.




  Cette histoire présente, en gros, deux fils narratifs : d'abord le narrateur qui est à la pension et constate ce qui se passe autour de lui, et tente de diminuer les jugements moraux sévères que les gens de la pension portent sur la femme qui a abandonné son mari pour fuir avec un inconnu. Au fil des discussions, la vieille lady anglaise Mrs C... semble rejoindre son point de vue. La vieille femme, très agitée, passe plusieurs jours avec le narrateur, semblant toujours vouloir lui confier quelque chose et ne jamais s'y résoudre. Enfin, elle le convie à venir dans sa chambre quand elle apprend que le narrateur va quitter la pension, et elle devient la narratrice principale du livre, en racontant vingt-quatre heures de sa vie.

  Le récit de ces vingt-quatre heures est passionnant, intense, et poignant : la lady explique comment à la mort de son mari quand elle avait 40 ans, sa vie n'avait plus de sens et elle errait dans les salles de jeu car son mari les affectionnait. A 42 ans, parmi la marée des mains qui jouent sur le tapis vert au casino, et qu'elle a appris à analyser, elle repère une paire de mains brûlantes et fiévreuses qui la fascinent. Ce sont celles d'un jeune homme dont on dirait aujourd'hui qu'il est dépendant au jeu comme certains sont dépendants à la cocaïne. Le jeune homme perd son argent au jeu et semble désespéré ; à partir de là, la lady se donne le but de sauver la vie de ce jeune homme, et elle est emportée dans le tourbillon de sa passion pour lui.
  Je ne vous raconte pas la suite, vous la découvrirez bien assez tôt...

  Ce récit est donc bouleversant par bien des aspects, car il montre comment quelques heures dans une vie peuvent arriver à tout changer, les codes, les principes, la morale en lesquels on a toujours cru. Le but est surtout de montrer la supériorité de la passion sur la raison, et de faire taire tous les orgueilleux qui, parce qu'ils n'ont jamais vécu qu'à travers le regard de la société et n'ont jamais suivi leur instinct, se vantent d'être raisonnables par rapport aux pauvres créatures incapables de jugement. Le roman renverse complètement cette idée, car la lady anglaise est un personnage révéré dans la pension, et en tant que signe de l'aristocratie anglaise fin XIXe siècle / début XXe (l'histoire se passe en 1904, et la lady décrit une journée qui s'est passée pour elle vingt-quatre ans plus tôt, donc autour de 1880), elle est censée être la personne la plus respectueuse des conventions qui existe. Pourtant, elle a failli abandonner sa réputation pour un jeune homme qui avait la moitié de son âge.


  J'ai beaucoup aimé ce roman / nouvelle.

  125 pages dans mon édition, ça se lit très rapidement. Le style est assez léger, un peu plus ampoulé au début quand la narration est faite par l'homme, puis elle devient plus simple une fois que c'est Mrs C... qui est la narratrice.
  On entre totalement dans la narration de Mrs C... on suit sa fièvre, les tourments de son âme, ses inquiétudes, ses désirs. La passion humaine est très bien peinte, la description des mains des joueurs au Casino est fascinante... et surtout n'oublions pas que le livre a été publié en 1927 et montre la conscience d'une femme qui pense à se déshonorer.

Quelques réserves cependant :

  A peu près tout ce qui se passe est très prévisible. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais on se doute tout de suite de ce que Mrs C... a à raconter, ce qu'elle va faire avec le jeune homme, et la manière dont tout cela va terminer. Mais certains des meilleurs romans du monde sont extrêmement prévisibles et on entame bien Mme Bovary, Les Misérables ou encore La princesse de Clèves en sachant pertinemment la manière dont ça se termine, qui meurt à la fin etc., donc ça ne m'a pas vraiment dérangée.
  Quand on a lu Balzac, ça perd un peu de sa force : notamment en ce qui concerne la peinture du jeu dans les casinos (La Peau de chagrin), ou l'obsession par rapport à l'argent (Eugénie Grandet) et aux paris constants sur la chance, le hasard (La Recherche de l'Absolu). Du coup, je n'étais pas tellement "à fond" dans les descriptions du désespoir du jeune homme addict au jeu, parce que je n'arrêtais pas de penser à Balzac et de me dire qu'il le faisait encore mieux. Mais j'ai lu du Balzac la semaine dernière (Sarrasine), donc je pense que c'est parce que je suis encore trop dans l'ambiance Balzac que je dis ça. Zweig a un style complètement différent, il n'y a qu'à comparer la longueur de leurs romans : le but de Zweig n'est pas de tout décrire en long et en large comme le fait Balzac, et de nous plonger dans son roman comme dans un tableau.
  Enfin, j'ai trouvé que c'était un peu répétitif : Mrs C... utilise toujours les mêmes mots pour décrire le jeune homme, et c'est d'autant plus agaçant quand on se doute que tout ça n'est qu'une grande illusion. Cependant je crois que ça fait partie des finalités de l'oeuvre : il ne faut pas prendre le récit de Mrs C... pour argent comptant, selon moi. Elle est émouvante, touchante, admirable à certains égards, et d'ailleurs le roman se finit sur une note de respect dans l'esprit du narrateur. Mais le récit de Mrs C..., ce n'est pas le récit de Zweig : l'auteur et le narrateur diffèrent, et Zweig n'a pas pu ne pas se rendre compte d'à quel point c'était naïf et répétitif par moments ; ce doit donc être des indices qu'il sème pour ses lecteurs. De plus, ce n'est même pas une histoire d'adultère, et c'est raconté avec une pudeur excessive (pourtant Mme Bovary était passé par là, quand même... 1927, ce n'est pas 2000, mais des romans bien plus licencieux étaient déjà publiés au XVIIIe siècle, et reconnus comme des classiques), ce qui renforce mon idée que l'un des intérêts principaux de l'histoire n'est pas ce qui s'y passe, mais la manière dont Mrs C... bute sur ce secret qu'elle n'a encore révélé à personne, comment elle est aux prises avec sa propre conscience.
  Et Zweig n'est-il pas tenu pour un excellent peintres des consciences ?


En conclusion : une très bonne lecture, et je veux lire du Zweig à nouveau bientôt. Le Joueur d'échecs me tente bien !
En tout cas, je vous recommande Vingt-quatre heures de la vie d'une femme !

See you around, Alacris

vendredi 26 avril 2013

Achats livresques...



Aujourd'hui, avec Grazyel, Jamestine, et Matilda, j'ai fait quelques achats dans une de mes librairies préférées, j'ai nommé *roulement de tambour* ... BOOK-OFF !





Pas moins de 7 livres pour 16€ et des poussières... et de très bons livres ! Comme quoi, on a beau dire que la culture coûte cher, c'est toujours possible d'emprunter des chemins de traverse (ha, ha) afin de contourner divers petits embarras... et de se faire plaisir !





Donc, en plus gros, mes acquisitions de la journée, et que je vais essayer de lire très bientôt (rien de plus triste qu'une pile de livres qui reste solitaire dans un coin de votre bibliothèque... attendant désespérément qu'on viennent la lire).


  

Du Pierre Bottero, un auteur que je brûle de découvrir et dont j'ai énormément entendu parler, si bien que je connais ses oeuvres presque par coeur avant même d'avoir ouvert la page d'un des bouquins...





Du Zweig et du Duras, deux auteurs que je connais très peu mais auxquels j'ai envie de me mettre depuis un bon bout de temps. On m'a beaucoup conseillé Vingt-quatre heures dans la vie d'une femme, alors je me suis jetée dessus !

Et La Reine Margot de Dumas, que j'ai lu il y a quelques années et que j'avais trouvé génial (même si je préfère Le Comte de Monte-Cristo).


Et enfin, le coin des anglicistes !

La version bilingue du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, que je veux lire depuis une éternité, et que j'ai vu représenté par-ci par-là (avouez, vous avez tous pensé au Cercle des poètes disparus). Si jamais je faisais un mémoire sur Shakespeare, et sur le grotesque / carnavalesque qui plus est, cette lecture s'avérerait indispensable ; et même pour ma culture et mon développement personnel, je la veux ! Il y a tellement de tableaux magnifiques qui en ont été adaptés... je veux connaître l'original, la source de toutes les inspirations.

Et Carmilla de Sheridan Le Fanu, en version  originale, que Matilda m'a littéralement mis dans les mains (avais-je vraiment le choix ?), et dont j'ai entendu dire beaucoup de bien (critiques lues sur les blogs de Jamestine, Alicia...)

Ca me fait des choses à lire pour les vacances !

A bientôt chers lecteurs,
Alacris


mardi 23 avril 2013

Récit d'expo : De l'Allemagne, 1800-1939 : De Friedrich à Beckmann, au Louvre (# 1)


Le Saut du Rocher, Schnorr Von Carolsfield
Il y a deux semaines, je suis allée avec Grazyel voir l'exposition temporaire du moment au Louvre : "De l'Allemagne, 1800-1939. De Friedrich à Beckmann".

C'était une excellente expo.
Riche (d'innombrables salles remplies de tableaux tous plus enchanteurs les uns que les autres), bien informée (contextualisation exhaustive, on ne se sent pas perdu, même quand on n'y connaît rien !), et on a vraiment l'occasion de découvrir un bon nombre de tableaux de peintres ordinairement non présentés à Paris, donc c'est le moment d'en profiter !

On commence avec les peintres fin XVIIIe / début XIXe,  aux sujets assez religieux, qui essaient de trouver dans la religion un thème, un fil rouge qui puisse unifier les différentes provinces qui forment aujourd'hui l'Allemagne. A l'honneur donc, les deux amants que vous voyez sauter ici à gauche, dans une expression de béatitude et de salut divin...



C'est souvent la célébration du clair de lune qui investit le paysage d'une aura magique, et le fait baigner dans son clair-obscur inquiétant... châteaux comme cabanes, l'imagination se débride et prend tout son essor.

Chevalier devant une cabane de charbonnier, Fhor
et Château de Scharfenberg, Oehme


Puis on passe aux lieux du sacré, les temples :

Le temple de Junon à Agrigente, Friedrich
et Le Walhalla près de Ratisbonne, Klenze


Imaginaire mythologique de la Grèce antique, mythologie proprement germanique du Walhalla (La Walkyrie, Siegfried, Le Crépuscule des dieux... le Walhalla est le royaume des dieux dans ces contes et opéras, un peu comme l'Olympe pour la Grèce antique).

On reconnaît le côté très mystérieux de Friedrich (je développerai ça dans une minute quand je vous bombarderai de tableaux de lui, il était à l'honneur dans cette expo !).

Quant au tableau de Klenze, détail important ou non, je ne peux pas dire (je ne suis pas étudiante en histoire de l'art...) mais ce qui m'a surtout frappée dans son tableau, c'est le contraste entre le chemin en zigzag, fait de terre, qui mène jusqu'au temple, et tout à coup les escalier très droits, toujours avec des lignes en zigzags mais plutôt comme une ligne brisée que comme une courbe... un peu comme un éclair de foudre aussi peut-être (mais bon le Walhalla ce n'est pas Zeus !).


La cathédrale en hiver, Oehme et Eglise gothique en ruine, Blechen



La cathédrale,
Friedrich




On retrouve la cathédrale comme refuge et lieu du sacré, véritable repaire dans la nuit... mais la cathédrale est aussi souvent représentée en ruines, et on commence à voir le Romantisme qui pointe le bout de son nez (n'oublions pas qu'il est né en Allemagne) avec toutes ces méditations sur les ruines et le temps qui passe, la caducité des choses...

...mais lieu avant tout placé sous le signe de la protection des anges et de la transcendance (une nature surhumaine, supérieure, divine, dans le monde intelligible), comme vous pouvez le voir dans le tableau de Friedrich juste ici (en très petit !).







Le réveil du printemps, Böcklin

Après quoi, on passe à des peintures plus colorées, plus saturées, notamment de Böcklin, qui est un peintre sur lequel j'ai eu un coup de coeur.

Peintures de célébration, hautes en couleur comme Le réveil du printemps, ou parfois plus sombres et inquiétantes comme...



Villa en bord de mer, Böcklin


Cette peinture m'a charmée pour son côté abandonné : on n'a aucune idée de là où se trouve cette villa, probablement sur un littoral, mais l'horizon sans terre et le côté solitaire du personnage me donne l'impression que c'est une villa éloignée de tout, sur une île lointaine... la nature est sauvage : le vent courbe les arbres, les vagues sont violentes, et la femme au premier plan semble soucieuse.



Le jeu des Néréïdes, Böcklin


Quant celle-ci, elle est autrement plus inquiétante : les teintes prennent des reflets cauchemardesques, on commence à se croire dans un film de Tim Burton (non, je n'ai pas peur des anachronismes). Le jeu semble mortifère, cette danse dans l'eau est peut-être une danse macabre. SI vous cliquez sur l'image pour l'agrandir, vous verrez même peut-être cette créature dont on ne voit que les yeux globuleux sortir de l'eau, à la droite du rocher autour duquel jouent les sirènes et Néréïdes... 






Et après cette Médée à l'urne de Feuerbach, ce sera le moment de passer à la grande panoplie de Friedrich !







"Clos ton oeil physique afin de voir d'abord avec ton oeil de l'esprit, ensuite fais monter au jour ce que tu as vu dans ta nuit" Friedrich




          Ravin dans l'Elbstandstein                                                Ville au lever de lune


                        En bateau                                                                       Neubrandenburg

Et beaucoup de paysages de montagne...


Brume matinale dans les montagnes

Ce côté à moitié visible, à moitié invisible du sommet, des sapins... magnifique. Le tout happé dans un vortex blanc à la fois beau et menaçant.
(et là c'est le moment où on se dit que Friedrich a dû se les cailler pour peindre ce tableau...)





Paysage du Riesengebirge


Un aspect beaucoup plus paisible, plus clair, que d'ordinaire chez ce peintre.










Et enfin Matin en montagne

... qui m'a plu pour son côté "lever du soleil", à l'aube : on sent qu'une transition est en train de s'opérer, un état de changement cosmique entre deux moments de la journée... le jour se lève doucement, le rose poind à l'horizon.






C'est fini pour la session Friedrich !
J'espère que vous avez aimé autant que moi cette citation que j'ai mis en grand...
Mon préféré entre tous n'est pas là (Le voyageur contemplant une mer de nuages, cliché, n'est-ce pas ?), mais parmi ceux que j'ai fait apparaître sur cet article, mes favoris sont Ville au lever de lune et Neubrandenburg. Et vous, lequel vous parle le plus ? Est-ce que vous sentez cette subjectivité romantique que le peintre prônait ?


Monument à Goethe, Carus





Je vous quitte sur ce tableau de Carus, en vous promettant un prochain article sur cette exposition, pour aborder tout ce qui est fin XIXe / début XXe, notamment avec le choc de la première Guerre mondiale et la révolution des formes, les peintres cubistes ou dits surréalistes... à venir !

Goethe, roi parmi les artistes allemands... un tombeau digne de ses accomplissements.